La France abandonne sa filière bio : notre témoignage
Alors que la filière Bio française traverse de fortes difficultés liées au contexte économique et social, le gouvernement, malgré ses objectifs d'augmentation des surfaces bio, ne répond pas à la demande de soutien de la filière. François Bonamy, accueil paysan dans le Nord et agriculteur biologique à Biolait nous livre son témoignage.
En grande difficulté face à la contraction du marché depuis 2021, les filières biologiques échangent depuis plus d'un an avec le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire sur le soutien que l'Etat devrait apporter face à cette situation. En période de salon de l'agriculture, elle sont arrivées à la douloureuse conclusion que malgré l’objectif de presque doubler les surfaces bio en 5 ans, le soutien gouvernemental tant espéré ne vient pas.
Filières agricoles biologiques, seules à ne pas être soutenues
Malgré l'acharnement des acteurs de la bio qui n’ont eu de cesse de démontrer la réalité des difficultés, de les chiffrer, de proposer des mesures de soutien adaptées à chaque production, la réponse reste toujours la même : l’Etat français ne peut rien ! Ainsi, alors que la Bio resprésente 60 000 fermes (soit 10% de surfaces préservées de l’utilisation de pesticides de synthèse), 30 000 entreprises, 200 000 emplois dont 150 000 non délocalisables et plus de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les pouvoirs publics choisissent de laisser les structures économiques gérer seules les baisses de volumes. Réponse d'autant plus inacceptable quand on sait que c’est la première fois que les filières bio demandent un accompagnement exceptionnel via des aides directes conjoncturelles, dans un contexte où leurs collègues en conventionnel bénéficient régulièrement de plans d’aides, comme l'explique Mathieu Lancy, président de FOREBio, dans un communiqué.
Alors que la France laisse les filières bio s’enfoncer dans la crise sans réagir, l’Allemagne adopte son nouveau plan bio avec une ambition de 30% de surfaces en 2030, 30% du budget de la recherche soit 35 millions d’euros et un engagement à financer l’aide au maintien dans les régions qui ne le feraient pas. Dans un contexte mondial de crise écologique, laisser se perdre les années de travail engagés pour développer les filières biologiques semble être un gâchis terrible et un loupé intolérable pour la transition écologique.
Les acteurs de la Bio demandent que la France agisse enfin en :
Adoptant une aide d’urgence 2023 pour les fermes et pour les acteurs des filières
Revalorisant le soutien sur le moyen terme avec un rebasculement dès 2023 des surplus PAC prévus sur les enveloppes conversion[1] vers l’éco-régime bio
Rendant contraignant l‘objectif de 20% de bio en RHD avant la fin de quinquennat
Engageant tous les acteurs agricoles et gouvernementaux dans la campagne de communication de l’Agence Bio #BioRéflexe
La situation vécue dans une ferme biologique Accueil Paysan
François BONAMY est agriculteur biologique élevant une cinquantaine de vaches laitières à la Ferme aux Charmes, à Solre-le-Château dans le Nord. La ferme a été convertie en bio à Biolait en 98, et François s'est installé à la suite de son père en 2008. Il nous livre son témoignage, notamment dans la cadre de son adhésion à Biolait :
En étant herbager bio à Biolait aujourd’hui, on peut dire que l’on va le plus loin en matière de beaucoup de choses (solidarité, mutualisation, développement de la bio sur tous les territoires, respect et soutien aux plus petits producteurs, démarche qualité Biolait qui va plus loin que le cahier des charges bio, accès pour tous au lait bio (transfo, distri, et conso ) etc etc …) avec bien sur des erreurs et dysfonctionnements, nous ne sommes pas les plus beaux les plus forts.
Par contre, cela comporte aussi des difficultés :
le fait d’être herbager et en bio depuis longtemps amène de faibles droits à paiement de base (DPB). De fait, le levier est faible pour débloquer du financement via le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE).
l’ancienneté de l’herbager permet à la femre d'avoir un bon bilan carbone, donc aucun accès aux crédits carbones.
ajouté à cela le fait que Biolait, même si les valeurs sont fortes et que je les défends, a des prix certes transparents, mais qui sont aussi les plus faibles actuellement, de toutes filières confondues.
Cela dit, nous restons motivés, car on a un beau métier.
Les vaches laitières de François sont aux prés du mois d’avril au mois de novembre
Voila le contexte tel que je peux le décrire. J'ai travaillé mes relations pour être intégré aux réunions agricoles de ma sous préfecture, au nom de la confédération paysanne. Nous seront maintenant 2 agriculteurs de Solre ! Je les ai invités à venir échanger sur la ferme également, j’espère avoir un retour positif. Côté région, j'ai reçu l'info suivante : une aide suite à la sècheresse 2022 est à l’étude, elle irait plus loin que l’aide à l’achat de fourrage : certain·es ont fait le choix de réduire leur production et leur cheptel ou de faire avec leur report de stock 2021, donc sans achat de fourrage mais bien avec une perte. J’ai également sollicité un rendez vous, pourquoi pas sur la ferme, auprès de MS Lesnes, notre VicePrésidente, et ses collaborateurs afin qu’ils puissent avoir les infos du moment en direct sur ce sujet et spécifiquement sur Biolait.
De notre côté, nous souhaitons et nous engageons une réflexion collective (producteurs biolait 59/02) pour trouver des solutions à court terme. (on reste à biolait ? on va voir ailleurs ? on retourne en conventionnel ? ). Nous souhaitons être plus au clair pour notre prochaine AG les 7 et 8 avril au Futuroscope (500 à 700 producteurs présents). J’ai alerté le Parc et la commission lait de Bio en Haut de France afin que nous puissions ensemble réfléchir sur ces solutions à court terme pour que nous puissions envisager plus sereinement la suite.
Pour chacun·e de nous sur nos fermes, les leviers pour faire des économies sont maintenant déjà très faibles : pour moi, c’est rupture conventionnelle avec Sandrine, ma femme. Pour d’autres, ventes de matériels ou prêts trésoreries avec des taux qui rebondissent, etc...
Et on en arrive à faire des économies de bout de chandelle à droite, à gauche...
La revue Citron, c'est 2 numéros par an pour comprendre l'agriculture d'aujourd'hui, celle qui nous nourrit. Pour écouter des paysans et paysannes parler de leur vie et de leur métier. Pour lire des récits, à mi-chemin entre collectage et reportage, sur le lien à la terre, la transmission, les savoir-faire. Une initiative de notre adhérente du Lot-et-Garonne, Myriam Goulette.
Sorti au cinéma le mois dernier, La Ferme à Gégé dresse le portrait de Gérard Coutance, figure historique du réseau Accueil Paysan. Gégé est un paysan qui, pour échapper à la faillite dans les années 90, a ouvert sa ferme aux enfants des banlieues et rejoint le réseau Accueil Paysan. La ferme à Gégé devient alors plus qu’un simple lieu d’accueil, elle est unique grâce à ce pédagogue virtuose.
Mobiliser vous pour la survie de Transrural Initiatives, la revue associative des territoires ruraux, qui, comme le réseau Accueil Paysan, participe à la construction d'un monde rural écologique et durable, et qui est aujourd'hui en danger.