L’agriculture sociale au service de personnes avec des troubles psychiques.

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Visite de l’ESAT du Habert et de la ferme de Belle Chambre en Chartreuse (AURA), 2 structures médico-sociales qui font de l’activité agricole le levier central de leur accompagnement envers les personnes fragilisées.

Ce mardi 18 juin 2024, je retrouve Catherine, animatrice du réseau ASTRA (agriculture sociale et thérapeutique en AURA), une association partenaire que l’on ne présente plus et qui est à l’initiative de cette journée de rencontres, Jean Paul, son président, 4 porteuses de projets, dont 2 déjà en activité agricole, et un jeune accueilli sur une ferme et son tuteur, directeur d’une entreprise d’insertion. 

 

La ferme du Habert (Savoie, 73)

Nous commençons par la visite de la ferme du Habert, un ESAT (établissement et service d’aide par le travail) perdu au milieu de la vallée des Entremonts, composé de 4 ateliers. Une ferme de 35 vaches tarines, une fromagerie, une auberge/restaurant et un atelier de prestations agricoles (débroussaillage, taille…). L’ESAT est partie intégrante d’un ensemble bien plus grand qui est l’association Espoir 73

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Cédric, responsable des activités, qui coordonne les 4 ateliers et qui était lui-même moniteur de l’atelier lait pendant 6 ans nous accueille à la ferme, collée à la fromagerie, où de nombreuses personnes s’affairent. 

Un ESAT est une structure médico-sociale dont la vocation est de permettre aux personnes en situation de handicap d’avoir un travail qu’on dit « en milieu protégé », et de favoriser leur inclusion vers le milieu dit « ordinaire ».  En moyenne, les personnes restent 3 à 4 ans au Habert, pour évoluer ensuite vers une entreprise intermédiaire, une entreprise classique, ou encore un autre ESAT. D’autres restent toute leur carrière. 

Au Habert, les personnes accueillies ont des troubles psychiques, parfois dus à des accidents de vie (alcoolémie, drogue, accident de la route…) ou à une fragilité psychique particulière. Certaines personnes peuvent présenter aussi des troubles du spectre de l’autisme (TSA). 
 

Elles bénéficient toutes d’un accompagnement personnalisé : 

  • Au sein de leur atelier où elles sont encadrées par des moniteurs, formés techniquement sur leur production, et humainement auprès des personnes fragilisées. 
  • En dehors de l’atelier où elles sont suivies par les chargés d’insertion.
  • Dans leur vie quotidienne, où elles peuvent vivre en foyer, en appartement, seul ou en collocation, selon si elles ont besoin d’encadrement ou qu’elles veulent plus d’autonomie. Ce sont alors les éducateurs qui les accompagnent. 

Ils sont 35 ETP à y travailler, et 30 personnes dans l’équipe encadrante (moniteurs d’ateliers, éducateurs, coordinateurs, responsable sécurité et qualité, secrétaire, équipe de direction…). 

Cette ferme de moyenne montagne, construite en 1999, est l’initiative de Michel Wall, convaincu que l’activité de production agricole a des caractéristiques bénéfiques pour le public accueilli en ESAT. 
 

Quelques exemples : 

La ferme favorise le travail manuel.  
Les vaches sont « entravées » 6 mois de l’année dans leur couchette dédiée, car la taille des bâtiments ne permet pas une stabulation assez grande pour envisager une libre circulation.  C’est le cas de la plupart des fermes de montagne. Cette caractéristique permet une plus grande proximité avec l’animal, que les ouvriers apprécient pour la plupart. Parmi les tâches : 

  • Brosser les vaches tous les matins car elles se salissent très facilement. 
  • La traite est en partie manuelle, c’est l’ouvrier qui se déplace avec la machine de vache en vache.  
  • Racler la bouse et les restes d’aliments dans la fosse pour quel l’évacuateur à fumier puisse le récupérer. 
  • Nourrir les bêtes en foin ou en « farines ». 
  • D’autres travaux s’effectuent à l’écurie comme le nourrissage des veaux dont les vêlages s’étalent sur l’année, ou encore le soin aux cochons, qui permettent de consommer en partie le petit lait. 

La ferme permet une montée en compétences sur des domaines variés grâce à différents aspects :

  • Des engins agricoles modernes : 1 tracteur de 5000 chevaux avec beaucoup d’électroniques, 1 tracteur de 6000 chevaux avec moins d’électronique, une faneuse très sophistiquée. 
  • Les contraintes de la montagne : les pentes pour faire le foin, le pâturage 6 mois de l’année qui implique beaucoup de clôtures, la neige assez présente… 
  • Des connaissances de bases en électricité, mécanique, soudure, bricolage divers. 

La complémentarité des ateliers : 

  • La fromagerie permet un travail plus encadré, au chaud l’hiver et plus répétitif. 
  • L’auberge permet le contact avec le client, le travail en cuisine. 
  • L’atelier de prestations agricoles est très physique et permet d’être dehors toute l’année, idéal pour ceux qui ont besoin de se défouler.  

Avec toutes ces activités, de nombreuses personnes peuvent y trouver leur compte et ne pas s’ennuyer ou au contraire trouver une routine rassurante. 
 

 

La ferme de Belle Chambre (Isère, 38)

Sur les contreforts du massif de la Chartreuse, à l’extrémité de la commune de Sainte Marie Dumont, la ferme de Belle Chambre accueille 30 personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme (TSA), et 45 personnes pour les accompagner dans leur quotidien, qui ne vivent pas forcément sur place. 

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Nous sommes reçus par la directrice, aussi éducatrice et fromagère, qui travaille là-bas depuis 35 ans.   « Ici, la vie s’organise autour de la petite exploitation agricole de 10 vaches laitières, et aussi des poules, des lapins, des cochons et 2 ânesses. »

C’est impressionnant de voir comme la ferme a été pensée pour les personnes accueillies. Un gros travail a été fait pour adapter l’outil de production et les espaces aux troubles que présentent les personnes atteintes d’autisme (ne pas être surpris, ne pas se sentir coincé, avoir un fort besoin de sécurité…). L’autisme est une maladie du neuro-développement qui concerne 600 000 personnes en France. 

Quelques exemples : 

Un outil de production adapté.

  • La fromagerie est beaucoup plus grande que la pour permettre à chacun d’avoir son espace et de pouvoir s’isoler tout en restant avec les autres si quelque chose l’oppresse.  
  • Le lait est mis dans des seaux pour motiver chacun à faire le sien, c’est une unité de travail. 
  • De la même manière, il n’y a pas de tuyaux reliant directement la machine à traire et le tank à lait, chacun va vider son seau pour voir le lait et encore une fois le résultat de son travail. 
  • Une grande baie vitrée permet aux personnes qui ne peuvent participer à la production d’y assister. 
  • Les couchettes des vaches sont plus grandes pour le confort du trayeur.  

Différents ateliers pour s’adapter à chacun. 

  • Des petits ateliers annexes (lapins, cochons, poules, et bientôt médiation animale avec des ânes) permettent de s’adapter à de nombreux profils. Chacun peut trouver un rôle. 
  • La ferme fait tables d’hôtes les mercredis et dimanche ce qui l’ouvre sur l’extérieur. 

Quelques problématiques avec lesquelles l’établissement doit composer : 

  • Les éducateurs sont de plus en plus déconnectés du monde agricole, à l’image de la société, et ne sont pas tous à mêmes d’accompagner les accueillis dans leur travail. 
  • Les institutions ont tendance à cloisonner, les aides financières, les personnes, les statuts, si bien que Belle Chambre peine à être reconnu du point de vue agricole ou du point de vue médico-social car l’établissement est innovant et sort des cases habituelles. 

Pour pallier au manque de liens et de dialogue entre professionnels des différents secteurs, la directrice nous dit : « on fait attention à réunir autour de la table tous les professionnels qui gravitent autour d’une personne, même si elles ne se croisent pas au quotidien, car on parle d’une seule et même personne. » 

Comme dans le reste du monde agricole, les petits élevages comme Belle Chambre sont menacés par les normes européennes, pensées pour les grands élevages industriels, mais qui s’appliquent souvent aux petits, ce qui les obligent à fermer parfois. 

Quelques projets : 

  • Développer la formation pour inspirer d’autres lieux. 
  • Développer la médiation animale avec les ânesses. 

Avoir une activité de production agricole est d’un grand intérêt dans l’accompagnement des personnes ayant des troubles psychiques, au Habert comme à Belle Chambre, elle permet de débloquer des situations insolubles. En effet, les animaux rythment la journée et évitent des discussions ou réflexions sans issues en ramenant à un principe de réalité. Aussi, le cadre et l’isolement aident au traitement de la maladie. 
 

Pour aller plus loin

Découvrez le site d’ASTRA et toutes ses ressources pour mieux comprendre l’agriculture sociale et thérapeutique.