Les Femmes d’Accueil Paysan : Piliers de l’Agriculture Durable et de l’Accueil Rural

Elisabeth : Repartir à zéro en Meuse 

Au cœur de la Meuse, Elisabeth reprend une ferme pour créer un lieu d’accueil « Lama Ranatha ». Elle avait déjà un lieu d’accueil paysan en Côtes d’Armor. Changer de région et de département parfois, c'est comme changer de pays. En Meuse Accueil Paysan est inconnu, aussi se rattache-t-elle à l’association des Vosges. Au niveau social, c’est identique : ASE et autres organismes ignorent l’activité sociale d’Accueil Paysan.

Aussi entre les travaux d’aménagement de la ferme et la reconnaissance des instances sociales et agricoles elle débroussaille peu à peu son chemin sans baisser les bras.

Elisabeth a des animaux atypiques pour recevoir un public atypique. Elle a des lamas et des alpagas qui lui permettent de faire de la zoothérapie (terme choisi après de longues discussions avec les instances…), mais aussi des faisans dorés Lady Amherst ou dorés Isabelle, des poules Sebright, Brahma, Faverolle, grande Cochin blanche, coucou de Rennes, et des poules Pictave dont un coq…

Elisabeth suit un parcours VAE de moniteur éducateur espérant ouvrir un lieu de vie et a demandé à Jeunesse et sport un numéro d’organisation pour des « séjours de vacances dans une famille ». Sa solitude du réseau Accueil Paysan en Meuse lui pèse, cependant chaque jour elle fait un pas de plus pour que son projet voit le jour.

Les femmes ont toujours joué un rôle central dans la transmission des savoirs agricoles. Aujourd’hui, elles prennent leur place, et s’affirment et se battent comme porteuses d’un modèle agricole différent. 

Les lamas d'Elisabeth, très aimés des enfants.

Annie  : Trouver sa place sur la ferme familiale en Pays de la Loire

En Pays de la Loire, Annie est (incarne quant à elle le renouveau de l’agriculture paysanne). Installée paysanne depuis quinze ans après une reconversion professionnelle, elle a fait le pari de rejoindre son frère seul sur la ferme familiale après le départ des parents. C’est une ferme à taille humaine centrée sur l’élevage de bovin. Leur particularité si cela en est une, ils sont en fermage et ne sont pas propriétaires des lieux. L’important au début était de trouver sa place et puis elle avait plein d’interrogation est ce que je vais m’entendre ? Est-ce que physiquement je vais y arriver ? Est-ce que je fais le bon choix ?... 

Après un BPREA et plusieurs stages dans différentes fermes elle s’installe en 2009. Après un essai de ventes en circuits courts, ils se recentrent sur l’élevage. Elle crée un groupe de femme paysannes avec une collègue et Émilie Serpossian animatrice du CIVAM44 à l’époque. Leur objectif est le partage d’astuces et de se former au niveau du métier. Les rencontres ont lieu sur les fermes et les thématiques sont variées : communication, santé au travail, conduite de tracteur, soudure, mais aussi organisation familiale, comment concilier travail et vie personnelle... Un formateur intervient, d’autres fois le partage est en autonomie : c’est de l’éducation populaire qui a tout son sens. D’ailleurs, si vous allez voir le film « Les Croquantes » vous y croiserez ces paysannes passionnées. 

Dans son projet d’installation, Annie décide de mettre en place de l’accueil pédagogique. Cet atelier qu’elle gère seule lui permet de se faire une place à part entière sur la ferme dans laquelle son associé travaille depuis l’âge de ses 16 ans. Pendant longtemps, Annie n’osait pas intervenir, prendre la parole. Son questionnement : comment rendre visibles les invisibles. Encourageons les femmes pour qu’elles prennent la parole et mettons les en-avant. Car beaucoup sont comme elle quelques années auparavant : elles n’osent pas.  Ces groupes CIVAM aident celles que l’on n’entend jamais. Elle espère qu’un jour chez Accueil Paysan les moyens permettront à de jeunes femmes de s’investir plus, entre autres sur le collectif national.  Annie est co-référente du projet Degenrons pour Accueil Paysan ou plusieurs collectifs agricoles portent aussi ce projet visant à rééquilibrer un métier souvent trop genré. 

"Ce qui me motive chaque jour, c'est de montrer qu'on peut vivre dignement d'une agriculture différente, plus connectée aux gens et au territoire," affirme-t-elle. "L'accueil à la ferme n'est pas seulement un complément économique, c'est une philosophie, une façon de repenser notre rapport à l'alimentation et à la nature."
 

Des Femmes Qui Transforment l'Agriculture

Elisabeth et Annie ne sont que deux exemples parmi les nombreuses femmes qui font vivre le réseau Accueil Paysan. Selon les dernières statistiques du réseau, les femmes représentent près de 60% des porteurs de projets d'accueil à la ferme, souvent à l'initiative de la diversification des activités agricoles. Ces femmes contribuent largement à l'évolution du monde agricole vers plus de durabilité et d'ouverture. Elles sont particulièrement actives dans le développement de l'agriculture biologique, des circuits courts et de l'agritourisme, qui répondent aux attentes sociétales actuelles. Les femmes apportent souvent un regard différent sur le métier d'agriculteur. Elles sont généralement plus sensibles aux dimensions sociales et environnementales de l'agriculture, et très innovantes dans la création de nouvelles formes d'accueil adaptées aux besoins contemporains.

Des Défis Persistants

Malgré ces réussites, les femmes du monde agricole font encore face à de nombreux obstacles. L'accès au foncier reste difficile, les charges administratives pèsent lourdement sur des exploitations souvent de petite taille, et la conciliation entre vie professionnelle et personnelle demeure un défi quotidien.

Une Vision pour l'Avenir

À l'heure où l'agriculture française traverse une crise profonde et où les questions environnementales deviennent cruciales, l'approche défendue par ces femmes d'Accueil Paysan apparaît plus pertinente que jamais. Nous cultivons non seulement la terre, mais aussi le lien social, la transmission des savoirs, l’éducation populaire, la préservation des paysages et de la biodiversité. C'est cette approche globale qui fait la force de notre modèle.

En cette Journée Internationale des Droits des Femmes 2025, saluons donc l'engagement et l'innovation de ces femmes qui, comme Elisabeth et Annie, contribuent quotidiennement à façonner une agriculture plus humaine, plus durable et plus inclusive. Leur combat silencieux mais déterminé pour un autre modèle agricole mérite d'être reconnu et célébré. Alors allons à la rencontre de ces femmes via le réseau Accueil Paysan.
 

Autrice de cet article...

Accueil Paysan est un réseau associatif, les adhérent·es se mobilisent pour écrire les articles de la rubrique actus. Ainsi, cet article a été rédigé par...

Edith Beauvais, adhérente de la Gare de Tourneuve à Allons dans le Lot-et-Garonne.

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